Réserve de liquidation ou tantième (avec modification du salaire) ?
Votre société a réalisé un bénéfice plus important que prévu lors de l’exercice comptable (EC) 2024. Vous pensez alors à vous verser un tantième, qui viendrait s’ajouter à votre rémunération normale pour 2025. Vous pourriez réduire cette dernière, pour ne pas devoir payer d’impôts et de cotisations sociales supplémentaires, mais quelles seraient alors les conséquences pour votre société ? Ne vaudrait-il pas mieux comptabiliser ce bénéfice supplémentaire dans une réserve de liquidation (RL) ?

        I.              Un tantième sans réduction de votre salaire habituel
Le tantième réduit le bénéfice de votre société pour l’EC 2024. Votre société pourrait alors respecter la condition de rémunération minimale et donc bénéficier du taux réduit de l’ISoc tout en évitant une majoration d’impôt pour insuffisance de versements anticipés (VA) sur le bénéfice supplémentaire inattendu.
Le tantième s’ajoute à votre rémunération imposable normale de 2025. Le montant des impôts et des cotisations que vous devrez payer dépend dès lors du montant imposable de cette rémunération normale. Comptez tout de même sur 60 % d’impôts et de cotisations sociales au total.
     II.              Un tantième avec réduction de votre salaire habituel
Si vous réduisez votre salaire ordinaire de 2025 à concurrence du montant du tantième, votre société aura provisoirement moins de frais déductibles pour l’EC 2025. Elle pourra toutefois réaliser des économies d’impôt pour les deux exercices combinés si, grâce au tantième de l’EC 2024, elle bénéficie du taux réduit et évite une majoration pour insuffisance de VA.
Une réduction de salaire peut entraîner une diminution des cotisations EIP déductibles, car le montant déductible est calculé uniquement sur la base du salaire ordinaire.
En réduisant votre salaire mensuel, vous veillez à ce que votre revenu imposable total en 2025 reste identique à celui que vous auriez eu si vous n’aviez pas obtenu de tantième. Calculez à l’aide de notre outil de quel montant vous devez réduire votre salaire brut pour le reste de l’année, afin de ne pas payer plus d’impôts que si vous ne vous étiez pas versé de tantième. Vous verrez immédiatement l’impact sur votre salaire net.
  III.              Une RL au lieu d’un tantième
Vous pouvez également choisir, plutôt que de vous verser un tantième pour l’EC 2024, de laisser les bénéfices dans votre société. Vous pourrez alors les comptabiliser dans une RL et les distribuer quelques années plus tard avec un précompte mobilier (Pr M) réduit.
Si vous optez pour une RL au lieu d’un tantième, votre société ne réalisera aucune économie d’impôt pour l’EC 2024. Au contraire, elle devra payer un impôt supplémentaire de 10 % sur la RL nette. L’inconvénient de ce choix est que votre société risque de ne pas bénéficier du taux réduit pour l’EC 2024, si la condition de rémunération minimale n’est pas remplie. Une majoration pour insuffisance de VA reste en outre possible.
Si vous optez pour la constitution d’une RL, cela n’aura aucune incidence sur votre revenu imposable. Dans quelques années, votre société pourra toutefois distribuer cette réserve avec un Pr M réduit (6,5 % de Pr M si vous laissez la RL au bilan au moins jusqu’au 31 décembre 2027, et 5 % si elle y reste au moins jusqu’au 31 décembre 2029).
  IV.              Exemple chiffré
Clarifions à l’aide d’un exemple. Imaginons que pour l’EC 2024, votre société réalise un bénéfice imposable de 100 000 € et ne remplit pas la condition de rémunération minimale pour bénéficier du taux réduit. Avec un tantième de 10 000 €, ce serait le cas. Pour 2025, nous prévoyons à nouveau un bénéfice normal de 50 000 €, et le taux réduit est possible, tant que le bénéfice ne dépasse pas ce montant. Nous avons déjà calculé que, si aucun tantième n’est versé, la société paiera au total 35 000 € d’ISoc pour les deux EC combinés.
Comparons maintenant trois hypothèses, sans tenir compte (pour simplifier) d’éventuelles majorations dues à des insuffisances de VA :
- Vous vous versez un tantième de 10 000 € bruts et ne réduisez pas votre salaire pour 2025 ;
- Vous vous versez un tantième de 10 000 € bruts et réduisez votre salaire pour 2025 du même montant ;
- Vous ne percevez pas de tantième et placez 10 000 € dans une RL, que vous distribuerez dans cinq ans avec 5 % de Pr M.
 |
Salaire identique |
Salaire réduit |
RL |
Bénéfice 2024 |
100 000 € |
100 000 € |
100 000 € |
Tantième |
– 10 000 € |
– 10 000 € |
– |
Imposable |
90 000 € |
90 000 € |
100 000 € |
ISoc |
18 000 €(*) |
18 000 €(*) |
25 000 € |
RL brute |
– |
– |
10 000 € |
10 % d’ISoc |
– |
– |
909,09 € |
RL nette |
– |
– |
9 091,91 € |
Bénéfice 2025 |
50 000 € |
50 000 € |
50 000 € |
Réduction de salaire |
 |
10 000 € |
 |
Imposable |
50 000 € |
60 000 € |
50 000 € |
ISoc |
10 000 €(*) |
15 000 € |
10 000 €(*) |
Tantième ou RL |
10 000 € |
10 000 € |
10 000 € |
Réduction de salaire |
 |
–10 000 € |
 |
ISoc |
28 000 € |
33 000 € |
35 000 € |
Total dépenses société |
38 000 € |
33 000 € |
45 000 € |
Revenu privé suppl. brut |
10 000 € |
– |
9 091,91 € |
Charges fiscales et sociales |
– 6 000 € (60 %) |
– |
– 454,55 € (5% Pr M) |
Revenu privé suppl. net |
4 000 € |
– |
8 636,45 € |
(*) taux réduit de l’ISoc
Dans cet exemple, votre société paie moins d’impôt dans la première hypothèse (28 000 € au lieu de 35 000 €), car elle bénéficie deux fois du taux réduit. Dans la deuxième hypothèse, l’économie est minime, car grâce au tantième, votre société ne bénéficie du taux réduit qu’en 2024, lorsque les bénéfices sont les plus élevés. Dans la troisième hypothèse, votre société ne réalise aucune économie fiscale.
Dans les première et troisième hypothèses, vous retirez davantage d’argent de votre société, mais c’est dans la troisième hypothèse (la RL) que vous en obtenez le plus à titre privé. Cela se fait toutefois au détriment de votre société, car c’est dans cette hypothèse qu’elle supporte les dépenses les plus élevées. Elle paie alors 8 000 € de plus, dont vous conservez 4 636 € nets, donc 66 % nets, ce qui est nettement plus intéressant que l’hypothèse de 60 % d’impôt et de cotisations sociales sur un salaire normal.
N'hésitez pas à en discuter avec votre gestionnaire de dossier pour voir quelle serait la meilleure solution dans votre situation.